Il était une fois un chercheur. Par monts et par vaux il cherchait. Il ne savait pas ce qu’il cherchait, mais il n’avait de cesse de chercher. En tout cas il ne ménageait pas sa peine. Il n’était pas enfermé dans un labo, il détestait cela, il était claustrophobe… ce n’était pas un chercheur de ce genre-là.
Il n’avait que quelques possessions soigneusement emballées dans un petit baluchon et arpentait le monde. En fait, il ressemblait au Mat du tarot de Marseille. Un chercheur qui avait l’air d’un vagabond, tout de couleurs vêtu, ses grelots tintant au rythme de ses pas.
Il était déjà passé par des contrées bien différentes…
L’une d’elles lui avait laissé un souvenir doux, ému, un souvenir de chaleur. Il y faisait toujours beau, il n’y avait aucune contrainte, en tout cas rien qui puisse rendre malheureux. Tout y était facile. Mais notre chercheur n’avait rien trouvé. Il savait que ce pays était presque trop confortable. Il avait besoin de se prouver à lui-même qu’il était aussi capable de surmonter les difficultés. Or, comment y parvenir si tout est trop facile ?
Alors il décida de poursuivre sa route et parvint dans un pays hostile. Un pays froid, gris, dans lequel il fallait adopter des quantités de codes différents. Il fallait s’habiller en noir, se lever à l’aube, faire la file, pour arriver à un guichet. A ce guichet, on décrétait si vous étiez digne ou pas, d’être accepté. Le chercheur, qui était excentrique, avait réussi tant bien que mal à se conformer à ce qu’on attendait de lui. « Peut-être est-ce ici, que je vais trouver ce que je cherche ! Il m’a été si difficile de passer cette épreuve, la récompense doit être mirifique ! » Hélas, il s’aperçut très vite qu’en fait de récompense, il avait juste gagné le droit d’être comme tout le monde. Mais être comme tout le monde, ce n’était pas non plus ce qu’il cherchait. Alors, il se mit à dos la population entière. On le traita d’original, d’instable, de trop sensible… il partit le cœur léger. Au fond, c’est bien ce qu’il était. Et il fut heureux qu’on le reconnaisse.
Il poursuivit sa route en solitaire et finit par construire une petite maison, modeste mais chaleureuse, dans un no man’s land. La nature y avait tous ses droits et le chercheur avait dû batailler ferme pour s’en faire une amie. Il y parvint néanmoins, et s’installa pour de longs mois, seul avec lui. Il se dit : « je me pose là, je me repose. On verra ce qu’il advient ».
Il vivait en harmonie avec le rythme des saisons. Il se réveillait avec le jour. Il mangeait ce que la nature lui proposait. Il écrivait, il dessinait, parfois. Mais il goûtait surtout au silence. Et il appréciait tout autant les moments de douceur que les quelques défis que son mode de vie lui imposait parfois.
Un jour, on frappa à sa porte. N’ayant plus vu quiconque depuis un bout de temps, notre chercheur fut d’abord effrayé. « Qui peut bien venir dans ce trou perdu ? » Puis agacé. « Qui se permet de venir troubler ma tranquillité ? »
Il ouvrit la porte. Un petit groupe d’enfants se tenait devant lui.
« Nous vous avons cherché partout ! Nous venons du pays gris. Nous vous avons vu partir, tout habillé de couleurs, si joyeux… nous voulons vivre avec vous ». Le chercheur fut décontenancé. Qu’allait-il bien pouvoir leur apporter, comment allaient-ils tous pouvoir vivre, allait-il pouvoir s’accomoder d’une vie en communauté ? Qu’allaient dire leurs parents ?
Il leur fit part de ses états d’âme. Les enfants ne l’écoutèrent que d’une oreille. L’un avait déjà installé sa couche, l’autre était allé se baigner dans la rivière toute proche, un troisième avait grimpé tout en haut d’un arbre, et deux autres se racontaient des blagues et s’esclaffaient bruyamment.
Les enfants semblaient si épanouis, si heureux qu’il n’eut pas le cœur de les interrompre. Leur bonheur rejaillissait sur lui, au fil des jours. Il leur racontait des histoires, il leur partageait son expérience. Il leur disait qu’ils avaient tous, et chacun, de la valeur. Qu’ils pouvaient s’autoriser à être eux-même, que personne ne les jugerait, tant qu’ils se respecteraient et qu’ils respecteraient les autres.
Lui-même se mit à courir, à jouer, à rire comme il ne l’avait plus fait depuis bien longtemps. D’autres enfants se joignirent à eux, puis les parents de ces enfants. Un petit village prit forme peu à peu, un village où chacun avait sa place, la place qu’il avait choisie. Chacun était utile. Ce que chacun faisait pour la communauté, était ce que chacun ETAIT. Et c’était parfait, comme une partition parfaite dont chaque note est parfaite.
C’est là, un beau jour, que notre chercheur prit conscience qu’il avait enfin trouvé.
Ce qu’il avait trouvé, c’était ce qu’il était, dans sa version la plus juste.
Et cela, il le devait à tous ceux qui partageaient sa vie à présent, et qu’il avait amenés à une plus juste version d’eux-mêmes.
Ce village devint une ville. Cette ville devint un pays. Ce pays devint un continent. Ce continent fut si inspirant pour le reste du monde que même le pays gris retrouva des couleurs.
Et si chacun d’entre nous était un chercheur qui s’ignore ? Et si chacun d’entre nous se laissait « trouver » par l’autre ? Et si cet autre était en fait la meilleure manière d’accéder à soi ?
A bientôt, ici ou ailleurs !